Les visites guidées de la ville de Craon, l'été, sont l'occasion de redécouvrir le patrimoine urbain historique : les halles classées, le monastère des bénédictines, les fouilles archéologiques à Saint-Clément, l'ancienne prison, etc. En passant devant la mairie, comment ne pas également s'arrêter sur l'histoire d'un cinéma, qui existait jusque dans les années 1960.
Lancé en 1923
Le n° 4 des Cahiers du Pays de Craon, disponible à l'office de tourisme, traite du sujet. Évelyne Ernoul, historienne locale, a consacré un long chapitre sur ce passé méconnu, en recueillant le témoignage de Janine Bottier, née Pourias, dont le père fut garde champêtre de 1939 à 1956, et la mère, concierge, et qui logeait avec sa famille dans l'ancienne mairie, avec ses quatre frères et sœurs.
L'histoire du cinéma à Craon commence en 1923. Chargé de diffusion cinématographique dans le centre ouest, le directeur du Cinéma Théâtre de Paris installé boulevard Montmartre avait souhaité utiliser l'étage deux à trois fois par semaine pour des représentations de cinéma, la mairie était devenue une salle des fêtes à part entière. La grande salle à l'étage était donc consacrée aux réunions du conseil de révision, aux banquets des commerçants ou des notables lors du comice et des courses, aux séances de théâtre et aux bals, et à la diffusion cinématographique. Dans les années 1930, l'entreprise Mongodin, qui tenait le Majestic d'Ernée, se déplaçait de ville en ville. Elle vint à Craon en 1932.
« Notre famille assuma la transmission des bobines par le car Drouain au cinéma le Majestic. Mongodin se chargeait des projections dans une cabine en bois aménagée au milieu de la salle des fêtes [...] Une panne survenait-elle, le public tapait des pieds pour protester et les chapeaux de quelques spectatrices n'étaient pas forcément les bienvenus. »
En 1940, un escalier de secours et une cabine extérieure pour les appareils de projets, en 1943, un ventilateur, améliorèrent les conditions des spectacles.
La fin en 1969
« Le programme commençait invariablement par un court-métrage, suivi des Actualités Gaumont, dont la grande bobine de film annonçait les nouvelles officielles commentées, puis venait le film [...] Quelques soldats allemands avaient tenté de se glisser en civil dans le public. Les familles de prisonniers n'apprécièrent pas cette promiscuité douloureuse si bien que des séances privées leur furent réservées. »
En 1950 est changé le rideau de scène. Et les choses continuèrent cahin-caha lorsque survint un incident, en mars 1969 : une poutre maîtresse céda au fond de la salle, puis l'affaissement du plancher sur le logement du garde champêtre au rez-de-chaussée. Une inspection montre alors un vice caché de construction.
La commune décide de démolir le bâtiment, tandis que les services municipaux déménagent à la hâte dans l'ancienne distillerie. C'en est fini du cinéma. En lieu et place sera reconstruite une nouvelle mairie, l'actuelle.
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