« Comme tout grenier qui se respecte, le mien, perché à La Jaille-Yvon, près du Lion-d'Angers ne manque pas de désordre, de poussière ni de toiles d'araignées », avoue Lionel de Messey, qui extrait de temps à autre « des lettres aux senteurs âcres, des jouets de mon enfance, etc. ». Récemment, il est tombé « par hasard » sur un document officiel du Prévôt de Paris sous Louis XVlll (1815-1824), François-Antoine-Nicolas de Messey, son aïeul, dont le petit-fils Léon devint résident de La Jaille-Yvon puis maire de ladite commune à deux reprises. Le manuscrit en question est un ordre de mission adressé au capitaine de cavalerie Méchain par le ministre de l'Intérieur Bénézech en 1795 (sous le Directoire). « Il donne instruction de procéder à un échange de prisonniers entre la France et l'Autriche, poursuit Lionel de Messey, écrivain, auteur de pièces de théâtre et historien local à ses heures. L'échange est connu de la grande Histoire, puisqu'il s'agit de celui de Madame Royale, l'orpheline du Temple, contre des conventionnels Français, représentants du peuple ».
Sous bonne escorte
Lionel de Messey a déchiffré la lettre. Au fil de sa lecture, il a découvert le périple de « la malheureuse princesse », Marie-Thérèse-Charlotte de France, duchesse d'Angoulême (1778-1851), fille de Louis XVl et de Marie-Antoinette, née à Versailles et décédée à Froshdorf. Enfermée à la prison du Temple avec ses parents, sous la Terreur, elle a perdu tous les siens, ses royaux parents (guillotinés) et son jeune frère (tuberculose ou empoisonné) qui aurait pu devenir Louis XVll.
Dans l'ordre de mission daté du 27 frimaire An lV (18 décembre 1795), le citoyen Méchain capitaine de cavalerie est donc chargé d'escorter Madame Royale jusqu'à Huningue en Autriche, où elle doit rejoindre sa famille maternelle. Il doit le faire dans le plus grand secret. « Il partira de Paris à onze heures du soir, avec les personnes qui seront confiées à sa garde, l'une passera pour sa femme, une autre pour sa fille, la quatrième pour un homme de confiance. Il veillera à ce qu'aucune de ces personnes ne parle en particulier à aucun étranger et surtout il portera une attention particulière sur celle qui lui sera désignée sous le nom de Sophie (Madame Royale) ». Les instructions sont très claires : « La route se fera d'un seul trait, c'est-à-dire sans séjour ni coucher [...] En cas d'événement, il usera des pouvoirs particuliers qui lui sont donnés pour requérir les autorités civiles et militaires de lui porter secours et main forte. »
« Cela devait demeurer secret, loin de là », raconte Lionel de Messey. Et pour cause à chaque relais poste avancé était annoncé le cortège de Madame Royal par l'ambassadeur italien, « ce qui entraînait des rassemblements au passage de la fille du dernier roi. Le capitaine Méchain parviendra, cependant, à le devancer ».
Saine et sauve
Le périple a duré cinq jours. La princesse sera remise entre les mains du prince de Gâvre aux portes de Basle. Madame Royale retrouve sa famille. En 1799, elle quitte l'Autriche pour épouser son cousin germain duc d'Angoulême, fils aîné du futur Charles X. Énergique et résolue, elle eut par la suite une grande influence sur Louis XVlll et Charles X, et son courage lors du siège de Bordeaux par un général de Napoléon lors des Cent Jours fit dire à ce dernier : « C'est le seul homme de la famille. »
La petite histoire de la lettre s'est frayé un chemin dans la grande Histoire de France.
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