Quand il a été demandé à la guide du musée de l'Ardoise, à Renazé (Mayenne) cet été, l'histoire de la sculpture La Négritude, Élyse Béasse a bien été embêtée pour répondre. "Je me suis renseignée. Personne n'a pu m'apporter d'explications." L'œuvre représente une femme noire sortant de la pierre, et ne laisse pas indifférent. Deux indices mettent sur la piste ; l'année 2005 et les initiales JPG et EB. En remontant le fil, on retrouve le nom du sculpteur, Jean-Paul Galivel.
Une œuvre personnelle, libératrice
Originaire de Renazé, Jean-Paul Galivel, 68 ans, est menuisier à 15 ans. "J'ai créé mon entreprise. Aujourd'hui, je suis autoentrepreneur, j'ai toujours mon atelier, déclare-t-il. Le travail du bois me plaît, c'est mon ADN. " Il poursuit : "Quand j'allais voir des expositions au site du carreau Bois ll à Nyoiseau, au centre d'art contemporain à Château-Gontier ou au musée d'art naïf et des arts singuliers du château de Laval, j'avais un œil critique sur ce que je voyais, dans le bon sens du terme. Ça me donnait envie de créer à mon tour." Fils de menuisier, Jean-Paul Galivel sculpte depuis son enfance, avec un thème de prédilection, "le corps, le sens des émotions, qui m'ont toujours attiré" intrinsèquement lié au gymnaste et trompettiste qu'il est ou a été. À 17 ans, Jean-Paul crée sa première sculpture. " Et ça m'avait beaucoup plu." Il lui tardait de recommencer en travaillant, cette fois, le schiste, parce que "la finition de ce matériau, tout de suite, c'est beau. La lumière se fond dedans. Il suffit de poncer pour que ça devienne lisse." En 2005, sur ses congés d'août, il décide de sculpter le corps d'une femme avec, à l'esprit, l'envie de "la faire sortir de la pierre jusqu'au bas-ventre, en référence à la libération d'une enclave ou d'un cocon". Avec de l'alginate (bio polymère issue d'algues), il moule le visage d'une Africaine d'origine béninoise qu'il connaît. "En sculptant, j'ai alors pensé à l'abolition de l'esclavage." L'artiste la nomme La Négritude. Tout un symbole. Voilà l'histoire de cette sculpture. Rien à voir avec les mines d'ardoise à Renazé. " C'était avant tout un défi personnel, plus philosophique qu'autre chose." Un défi technique aussi : "Il fallait placer ce volume sculpté dans les 60 cm d'épaisseur de la pierre pesant 3,5 tonnes, sans fragiliser l'ensemble." Plus tard, Jean-Paul Galivel a prêté la sculpture à l'apprentie Estelle Besson (d'où EB les initiales sur la pierre) "qui en avait besoin pour faire sa promotion au Bois ll".
Peu à peu tombée dans l'oubli
En 2007, La Négritude est entreposée sur le site au musée de l'Ardoise. "Je voulais lui trouver un endroit clos, pour lui éviter des dégradations, confie le sculpteur. À l'époque, le maire Richard Flament, collectionneur de peintures et de sculptures, avait accepté. "Au fil du temps, La Négritude est tombée dans l'oubli. "Peu de gens connaissent l'âme de l'œuvre, regrette Jean-Paul Galivel. De temps en temps, je vais au musée pour mettre un hydrofuge sur la pierre, sans quoi elle pourrait se briser par le gel. Je l'enduis à la cire à chaussure pour lui apporter une finesse, et afin que la lumière prenne dessus. Mais c'est vrai, personne ne s'y intéresse vraiment." Cette sculpture, très belle, fêtera ses 20 ans en 2025.
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