Pourquoi avoir décidé de revenir au festival de la BD de Château-Gontier ?
Sylvain Despretz : J'ai tendance à accepter toute opportunité de partager ce que je fais. C'est comme si quelqu'un me demandait pourquoi j'ai accepté de travailler sur ce film. Comme pour le travail, je suis plutôt intéressé par le rapport humain.
J'ai sympathisé avec Eric Le Quec, président de l'association BD au Pays de Château-Gontier. J'aime bien son énergie.
Quel est votre rapport au cinéma ?
S. D. : Il y avait de la fascination du cinéma, du côté parental.
Mon père était fasciné par les films d'action à l'américaine et ma mère aimait des films mélodramatiques comme Hiroshima, mon amour ou Orfeu Negro. Il y avait deux polarités qui m'ont construit dans mon amour du cinéma.
J'ai un souvenir du cinéma plus puissant que celui du dessin. La première fois qu'on m'a emmené au cinéma, cela a été un choc système. Je me souviens autant de l'image à l'écran que derrière moi car c'était à l'époque où les gens fumaient dans la salle. Je me retournais souvent pour regarder l'illusion de la fumée sur l'écran.
Le dessin était ce que l'on faisait quand on rentrait à la maison car il n'y avait pas de télévision chez moi. C'est un choix parental. Avec le dessin, on peut créer des mondes sans dépenser un centime. La bande dessinée en France a aussi joué un grand rôle. Je lisais Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe mais aussi Moebius, Hypocrite. Je regardais les BD américaines comme Flash Gordon ou Mandrake le magicien.
En arrivant aux États-Unis dans les années 1977, j'ai commencé à arriver dans un dégoût immédiat de ce que je voyais. Il n'y avait que du super-héros.
Quel est le premier film qui vous a marqué ?
S. D : Il s'agit de Vingt mille lieues sous les mers de Richard Fleischer (1954). J'étais pris par la violence, la beauté des décors, des couleurs. Je suis devenu obsédé par le Nautilus imaginé par Harper Goff. J'en ai d'ailleurs une maquette chez moi. Je suis devenu conscient qu'il y avait un art, un travail humain réel qui consistait à construire les illusions à l'écran.
C'est en voyant Les Dents de la mer de Spielberg que j'ai commencé à me questionner sur le langage cinématographique. À l'époque, il n'y avait pas de VHS, de blu-ray, il fallait retourner au cinéma pour décortiquer un film. Je suis retourné le voir 20, 30 fois.
C'est quoi un story-boarder ?
S. D. : C'est une activité pas comprise car elle est impossible à comprendre tant qu'on n'a pas regardé de près un story-boarder. C'est un métier qui n'a pas lieu d'exister.
C'est une sorte de contrat visuel comme un scénario, un contrat dessiné qui décrit les intentions visuelles, cinétiques et graphiques du réalisateur. On fait intervenir quelqu'un qui couche sur papier l'essentiel de ce que le réalisateur demande.
Sylvain Despretz lors de sa venue au festival BD de Château-Gontier en 2022. - Charlie Creteur
Comment êtes-vous venu à travailler dans le story-board ?
S. D. : Aux États-Unis, je suis allé à l'université, j'ai découvert l'anthropologie et ça m'a beaucoup plu. C'était trop cher d'aller dans une école de dessin. Après les études, il a fallu que je trouve du travail.
Il y avait des gens qui travaillaient en agence de publicité et m'ont conseillé de travailler dans ça. J'avais vu des exemples de story-boards, je me suis dit que je pouvais le faire. Dans ce métier, si vous savez dessiner on vous dit :"ok, tant mieux", mais vous ne serez pas mieux traité, juste engagé.
Ce qui compte, c'est la réputation du réalisateur. J'ai eu la chance de travailler pour Ridley Scott. Dès lors que j'étais engagé, les gens m'ont appelé mais ils sont juste admiratifs du fait que je travaillais pour lui. C'est le regard de professionnels qui sont meilleurs que soi qui compte.
C'est comment de travailler avec Ridley Scott ?
S. D. : C'est un métier en soi car rien de ce que j'ai appris avec lui n'est applicable avec d'autres réalisateurs. C'est un dessinateur accompli. Il est fan de Moebius comme moi.
C'est un graphiste. Je n'ai pas de relation avec lui outre que professionnelle mais on s'entendait bien car on travaillait vers un but commun graphique. Mon dessin était classique, dans le placement de caméras, les angles, sur la profondeur de champ, la compréhension du décor, etc. Mon acquis en Europe m'a aidé à vivre bien avec Ridley mais pas forcément avec d'autres.
Extrait d'un story-board du futur documentaire sur Brand X, par Sylvain Despretz. - Sylvain Despretz
Vous êtes passé derrière la caméra ?
S. D. : J'ai déjà essayé de monter des films moi-même mais je me suis pris une gamelle. C'est plus douloureux quand c'est son propre projet. En France, il y a dix ans, j'ai essayé de monter une histoire fantastique romantique où je devais faire jouer Mélanie Thierry et Nicolas Duvauchelle. J'avais une histoire semblable à Roméo et Juliette, dans un truc archétypal.
Ça ne s'est pas fait. En ce moment, je finis un film à caractère documentaire sur le groupe Brand X. Je l'ai commencé en 2018. C'est un projet autofinancé. J'ai encore un an de travail et c'est mon premier long-métrage en tant que réalisateur. Maintenant que j'y pense, on a des effets spéciaux aussi et il y en a plus que dans Gladiator.
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