Homme de lettres, penseur, politique, Volney a sa statue de bronze à Craon (Mayenne), place du 11-Novembre, depuis la fin du XlXe siècle. « Mais cela suffit-il à imprimer dans les mémoires la personnalité d'un homme, précurseur de la démocratie ? » s'interroge Évelyne Ernoul, historienne locale, qui en a brossé le portrait et le parcours. Fils unique d'un avocat, député de l'Anjou en 1789, Volney siégea aux États Généraux appelés par Louis XVl pour l'aider à résoudre la crise financière. Puis, il siégea aux deux assemblées qui en découlèrent, devint sénateur sous l'Empire, membre de l'Académie française pour avoir été un grand écrivain voyageur.
Engagé et inspirant
Volney a inspiré à la fois la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, les mouvements de libération de la Pologne sous domination russe en 1830, financé en partie la première école primaire à Craon, inspiré celle de Segré (Maine-et-Loire) et les lois scolaires de Jules Ferry. Enfant, Constantin Chassebeuf montre un goût prononcé pour apprendre, « j'avais la passion de l'instruction », disait-il. À méditer. Il termina à 17 ans de solides études à Angers (Maine-et-Loire). Suivirent trois années de médecine à Paris puis de langues orientales (hébreu et arabe). À 25 ans, il décida de voyager. Il débarqua à Alexandrie et remonta vers Antioche via le Caire, Jérusalem, Tripoli. En mission diplomatique pour tester le développement des intérêts de la France, il en a tiré un récit de voyage et d'ethnologie. En 1787, le succès littéraire lui vaut le surnom de Volney (contraction entre Voltaire et Ferney, sa propriété dans le Jura).
Volney contribua à l'élan révolutionnaire national : « Qu'est-ce que le Tiers État ? Tout [...] » La liberté de la presse et les opportunités de 1789 favorisèrent le déclenchement de son influence. Il milita pour la mise en pratique des idées acquises au contact des grands esprits de son temps, Diderot, Benjamin Franklin... D'où l'orientation humaniste qu'il donna à sa vie : « Conserve-toi, instruis-toi, vis pour tes semblables afin qu'ils vivent pour toi. » La pertinence de ses propos a permis des avancées sociales : la suppression de la gabelle, la création d'assemblées municipales, départementales... Volney devint vice-président de l'Assemblée nationale (1791-1792). Sous la Terreur, en 1793, les acquis démocratiques sont brisés. Volney est incarcéré, pendant dix mois. Il se rétablit ensuite en Corse où il fit la connaissance de Bonaparte à qui il dispensa ses conseils. Le futur empereur ne l'oublia pas. Pendant la campagne d'Égypte, il dira : « J'avance dans ce pays, mon "Volney" à la main. » En 1795, Volney est nommé professeur d'histoire à l'école normale. Il publia Les Ruines grandioses de Palmyres (détruites par Daesh en 2015). Bonaparte lui avait semblé incarner les valeurs promues par la Révolution ; il partageait les idées de Voltaire. Mais il les sacrifia pour asseoir son autorité personnelle. Volney désavoua la censure de la presse, la dissolution de l'assemblée législative, les impôts écrasants. Il resta insensible aux honneurs que Napoléon voulut lui accorder, et qui réussit quand même à le faire commandeur de la Légion d'honneur et comte d'empire.
Penseur universaliste
Volney contribua à la création d'une école de garçons pour cent enfants pauvres dans l'actuel monastère des Bénédictines à Craon. Il fut membre de la Société des amis des Noirs, pour alerter les consciences au sujet de l'esclavage. Confirmé dans ses titres de comte et commandeur de la Légion d'honneur, il fut nommé à la haute dignité de pair du royaume en 1814 par Louis XVlll. À sa mort, il fit un legs important à l'Académie afin que les intérêts de ce capital récompensent, chaque année, l'auteur d'un ouvrage scientifique et moral.
Rempart contre l'ignorance
Un collège porte son nom. Dans les années 2000 à Craon, la municipalité remettra des « Volney » (aujourd'hui trophées) aux locaux méritants. Clin d'œil à l'histoire. En ces temps troublés, instables, dans une société en manque de repère, et en proie aux fake news et à la barbarie, rappeler comme l'a fait Évelyne Ernoul que l'être humain peut s'élever par l'instruction, et devenir maître de soi, être libre de penser, s'avérait judicieux. Cela valait bien un chapitre à Volney dans les Cahiers du Pays de Craon.
Pratique Source : Évelyne Ernoul, Cahiers n° 8 du Pays de Craon. En vente : 10 €.
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