"Pas le choix." Les mots d'Éric-Alban Giroux, directeur du Centre hospitalier du Haut-Anjou, à Château-Gontier (Mayenne) sont clairs. Le passage à l'utilisation de l'intelligence artificielle est selon lui indispensable.
"On a 1 200 agents, je leur dois protection. Il faut s'en saisir pour éviter le remplacement bête et méchant de l'Homme par la machine", explique-t-il.
Le directeur de l'hôpital a alors décidé d'intégrer, petit à petit, cet outil, tant pour les tâches administratives que les soins. " L'hôpital est la dernière manufacture de France. Toute la filière de soin travaille avec ses mains. L'intelligence artificielle n'a pas de main mais on peut lui commander des gestes. Dans le futur, cela sera des robots agissants. "
Une convention avec plusieurs partenaires
Ainsi, le centre hospitalier a décidé de signer une convention de partenariat visant le développement de l'intelligence artificielle avec le Pays de Château-Gontier, le club des entrepreneurs, la French Fab, la French care Pays de la Loire et la French tech Mayenne.
" Si je ne pousse pas l'ensemble des agents à prendre le virage, la vie va les y obliger dans cinq ou dix ans. Et ils n'auront plus la même compétitivité. Ils pourraient me le reprocher. Lors de la révolution industrielle, les gens qui n'ont pas pris le virage ont subi pauvreté, malheur, misère. Selon moi, avec l'IA, cela va être pareil. "
"Nous souhaitons faire de Château-Gontier un site pilote"
Cette convention a pour objet le développement et l'expérimentation de solutions d'intelligence artificielle. " Nous souhaitons faire de Château-Gontier un site pilote, qui deviendra une référence", déclare le directeur de l'hôpital.
Concrètement, l'un des objectifs est de remettre le lien entre le soignant et son patient. "Quand j'étais jeune, le médecin regardait son patient dans les yeux. Aujourd'hui, il est absorbé par son ordinateur et sa fiche patient, déplore Éric-Alban Giroux. Les infirmières passent un temps fou à rentrer les constantes dans les ordinateurs, les cadres font les plannings... La machine devait nous libérer, elle nous enferme." Un constat "inadmissible" pour le haut fonctionnaire mayennais.
Alléger la charge administrative
Afin de résoudre cette problématique, l'hôpital souhaite mettre en place un système d'écoute qui génère des résumés opératoires ou encore les ordonnances, à partir de ce qu'aura énoncé le médecin. " Au bloc, il est coutume pour les chirurgiens de dire ce qu'ils font. Avec l'IA, ils ne perdront plus le temps de rédiger. "
Une technologie qui s'appliquerait aussi au personnel administratif, notamment aux secrétaires, afin de leur permettre de regagner de la disponibilité pour les patients et ainsi de réduire le temps d'attente lorsque ses derniers souhaitent consulter un spécialiste. Toutefois, Éric-Alban Giroux se dit vigilant. " Les outils sont capables de nous aider, mais il faut les maîtriser et ne pas devenir leur esclave."
À terme, il souhaite réduire les délais d'attente chez les spécialistes.
Une pépinière d'entreprises
L'idée du centre hospitalier est de devenir une pépinière d'entreprises. " Je veux que les start-up puissent tester. Au début, l'IA fait des erreurs mais elle apprend vite. Je veux que les entrepreneurs puissent créer des logiciels métiers qui nous permettent de gagner du temps", indique Éric-Alban Giroux.
En radiologie, un logiciel permet déjà d'identifier les fractures. " À terme, il pourra effectuer toute détection potentielle. Lors des mammographies, l'IA pourra détecter des cancers six mois à un an avant qu'ils ne soient visibles à l'œil nu." En dermatologie, une machine pourra examiner le patient et indiquer au praticien les zones qui lui semblent suspectes.
Une solution face au désert médical ?
Derrière cela, se trouve aussi un objectif financier : l'IA permettrait un gain de productivité et d'atténuer le déficit causé par les mesures gouvernementales des années passées. " Nous sommes donc appelés à gagner en attractivité", constate le directeur de l'hôpital. Ce qui suit le leitmotiv de l'établissement : réduire le désert médical. " Ce n'est pas une fatalité. Il y avait 90 médecins lorsque je suis arrivé. Aujourd'hui, il y en a 158. Mon objectif est d'attirer les professionnels, de les maintenir et de rattraper notre retard. La Mayenne est le troisième désert médical de France."
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