Le Carré, scène nationale à Château-Gontier (Mayenne), centre d'art contemporain vient de publier un 48 pages sur papier glacé sur lesquelles sont imprimées 32 photos prises par l’artiste Guillaume Janot entre septembre 2019 et mai 2020. Onze pages sont par ailleurs blanches. Cela interpelle.
« C’est quoi ça ? C’est nous qui payons ? » La publication du Carré en a décontenancé beaucoup. Déposée dans 11 344 boîtes aux lettres des habitants du Pays de Château-Gontier (Mayenne) à partir du 22 juin 2020, et édité à 13 000 exemplaires.
L’art, et qui plus est contemporain, étant subjectif, il n'est pas question de polémiquer sur l’intérêt et la beauté des photos. Néanmoins, une telle dépense d’argent public (près de 10 000 €) pour un tel projet, sans compter la rémunération de la résidence de l’artiste, peut surprendre.
D’autant qu’il faut bien l’avouer, l’explication d’Eva Prouteau conférencière et critique d'art, apparaît quelque peu tirée par les cheveux et surtout inaccessible à nombre d’habitants.
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Un produit jetable ?
A la demande du Carré, cette édition a été distribuée en même temps que la publicité dans les boîtes aux lettres ; il y a fort à parier que sur les 11 344 exemplaires, une grande partie soit malheureusement jetée à la poubelle, comme le reste de la pub.
Dommage pour un papier de cette qualité... Mais peut-être que c’est l’attention que nous portons quotidiennement au papier, à sa qualité et à son prix, au sein de la rédaction du Haut Anjou qui nous fait hérisser le poil.
Toutefois, si l’art c’est d’interpeller, cette publication a bel et bien atteint son objectif. Interrogée sur le sujet, Christine Oudart, directrice de communication au Carré, entend que :
La proposition puisse être « déstabilisante, mais les goûts et les couleurs ne se partagent pas. Et nous nous étions engagés auprès des acteurs économiques.
« J’assume complètement »
Bertrand Godot, commissaire aux expositions du Carré « assume complètement le choix ». Guillaume Janot est un photographe, professeur des Beaux-Arts à Lyon. Il avait déjà pris des photos de maisons de Château-Gontier, en 2000, dans la collection du Frac (fonds régional d’art contemporain).
Il connaît le territoire. Nous l’avons invité en résidence, avec l’idée qu’il fasse un portrait photographique du Pays de Château-Gontier. Le confinement a perturbé, il manque le printemps. Certaines photos en vis-à-vis ne collaient pas ensemble, si bien que l’artiste a décidé d’intercaler une page blanche parfois.
Guillaume Janot a pris plus de 500 photos pour n’en garder que 80 : des natures mortes, des portraits de travailleurs, et des paysages. « Après, ses photos, on en pense ce qu’on veut », déclare Bertrand Godot.
Bertrand Godot explique avoir voulu que :
Cette exposition soit accessible et la plus démocratique qui soit. C’est pourquoi, elle a été remise entre les mains des habitants. La publication (impression, exposition, communication) clé en main, n’est pas une lubie. Elle n’est pas plus chère que si elle avait eu lieu dans un hall de mairie.
Si des gens râlent, d’autres l’apprécient. Elle peut faire réfléchir aussi sur le déferlement de la publicité dans nos boîtes aux lettres.
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