C’est un procès pour homicide involontaire qui a eu lieu au tribunal judiciaire de Laval (Mayenne) jeudi 26 janvier 2023.
Deux prévenus inhabituels se sont présentés à la barre : un gendarme de 54 ans et un pompier de 47 ans.
Les débats ont duré plus de cinq heures et avaient pour objectif de revenir sur des faits qui s'étaient déroulés à Château-Gontier (Mayenne) dans la nuit du 2 février 2019.
Prise en compte d'un appel
Cette nuit-là, le gendarme qui était chargé de recevoir les appels au centre d’écoutes de Laval a répondu à un homme qui lui disait : "tout crame".
Le fonctionnaire a réussi à obtenir le nom, l’adresse de l’interlocuteur mais était en proie à un doute qui l’a incité faire répéter les informations plusieurs fois.
La conversation a ainsi duré huit minutes, entrecoupée de blancs et d’injures de la part d’un homme qui semblait soit en danger soit sous l’emprise de l'alcool.
Le policier a décidé de contacter les pompiers et de poursuivre tout en restant à l’écoute.
Le pompier de service a reposé les mêmes questions et a hésité à envoyer une équipe d’intervention.
La scène s’est déroulée autour de 00 h 30 et ce n’est que cinq heures plus tard que les pompiers, alertés par les voisins, sont intervenus dans un appartement en flammes dans lequel ils n'ont pu pénétrer que très difficilement.
Le corps de la victime a été retrouvé entièrement calciné autour de 6 h.
La victime était un homme un peu marginal, atteint du syndrome de Diogène, une forme de trouble comportemental associant une tendance à l’accumulation d’objets, une négligence de l’hygiène corporelle et domestique et, le plus souvent, un isolement social.
Consommateur de cannabis et d’alcool, honni par ses voisins, il avait déjà quelque temps auparavant alerté les secours pour un départ de feu qui n’en était pas un.
Un manquement tragique
Alors comment se fait-il que deux professionnels aguerris et aux états de service élogieux aient eu ce manquement aux conséquences tragiques ?
Visiblement, les deux hommes n’ont pas cru à la véracité de l’appel.
A la barre, le pompier a assuré ne pas avoir entendu les "marqueurs" pendant l’échange téléphonique : pas de crépitement, de bruit de feu, pas de détecteur de fumée.
Il a expliqué au tribunal qu’il a hésité à alerter les pompiers volontaires chez eux car aucune patrouille n’était à l’extérieur à ce moment là.
Le gendarme n’avait pas cette excuse puisque la nuit était calme et qu’une patrouille venait de rentrer.
Il s'est basé sur une vérification dans un fichier informatique qui lui avait indiqué que l'homme avait déjà contacté la gendarmerie auparavant pour des faits inexistants.
La partie civile a regretté que les deux mis en cause n’aient pas compris que la personne était en détresse.
Deux ans de prison avec sursis requis par le parquet
La procureure de la République a relevé une infraction caractérisée, une faute et un lien de causalité certes indirect mais certain.
Elle a requis deux ans de prison avec sursis pour chacun des prévenus.
Les avocats de la défense ont réclamé une relaxe pour leurs clients.
L'ancien bâtonnier Cesbron a estimé qu’aucune loi, aucun règlement n’a été violé. Il s'est emporté contre une instruction, qui a duré deux ans et demi, et qu'il estime pleine de faiblesses.
"Pas de légiste, pas de reconstitution, trop de questions sans réponses", a-t-il scandé.
L'ancien bâtonnier Dirickx avait auparavant fait projeter un film montrant la rapidité de propagation d’un incendie.
Son but : démontrer que l'incendie s'est produit plus tard dans la nuit et que les atermoiements des prévenus n'ont pas eu de conséquence directe.
Le témoignage d'un proche voisin semble confirmer cette démonstration. Ce dernier affirme avoir ouvert sa fenêtre à 4 h du matin à quelques mètres de l’appartement sans constater de fumée ni de flammes.
Maître Dirickx s'est également étonné de voir que la victime a d’abord appelé le Samu puis la gendarmerie avant d’alerter les pompiers.
Le dossier a été mis en délibéré.
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